Libérer le potentiel du secteur privé béninois

(Secteur privé)- La réalisation d’une croissance économique élevée et durable est complexe et dépend du contexte de chaque pays. Mais, les faits sont clairs. Le secteur privé est le moteur de la croissance, quel que soit le pays. Les entreprises prospères stimulent la croissance, créent des emplois et paient des impôts qui financent les services et les investissements publics. Cela se comprend aisément en considérant la fonction de l’entrepreneur. L’entrepreneur est celui qui révolutionne la production en introduisant un nouveau produit, une nouvelle méthode de production, un nouveau débouché, une nouvelle source d’approvisionnement ou une nouvelle organisation. Il possède, en quelque sorte, l’étincelle divine de l’invention. Il utilise des informations imparfaites pour prendre des décisions de production utiles à la collectivité.

Depuis l’indépendance, le secteur privé du Bénin est caractérisé par une croissance lente en raison de certains obstacles bien connus. En 2016, la Banque mondiale a conduit une vaste enquête auprès d’un échantillon représentatif du secteur privé béninois pour collecter des données objectives basées sur l’expérience des entreprises et la perception qu’ont les entreprises de l’environnement dans lequel elles opèrent. Je résume dans le graphique suivant le résultat des enquêtes.

Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours”, Napoléon Bonaparte. Le graphique met en évidence cinq contraintes majeures à la croissance du secteur privé béninois : (1) les contraintes d’accès aux financements ; (2) les déficiences de l’infrastructure physique notamment l’électricité ; (3) les concurrents informels ; (4) les difficultés rencontrées par les entreprises dans leurs relations avec l’administration publique (impôts, douanes et réglementations commerciales) et (5) la fiscalité. Il est inquiétant de constater que ces contraintes sont plus graves au Bénin que dans la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne.

Examinons le plus grand obstacle : les contraintes d’accès aux financements.

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Il est une réalité indiscutable au Bénin : le secteur privé est sous- financé. En effet, le crédit intérieur fourni au secteur privé représente 17% du PIB du Bénin en 2019. A titre de comparaison, ce chiffre est de 87% au Maroc, 140% en Afrique du Sud, 86% en Tunisie, 72% en Namibie. Le constat est établi : les entrepreneurs au Bénin ne sont pas suffisamment financés. A la suite de cette observation, il y a un désir naturel de recherche de causes : « Tout ce qui naît, naît nécessairement d’une cause », aphorisme axiomatique proclamé par Platon dans le Timée. Les “circonstances causales” qui conduisent au fait souligné ci-dessus sont sans doute nombreuses et diverses. D’abord, le Bénin possède un secteur financier de petite taille et segmenté dans lequel trois catégories d’acteurs opèrent : les établissements bancaires, les institutions de microfinance (IMF) et les autres institutions financières non bancaires. À la fin de l’année 2016, le pays comptait 15 banques commerciales, dont quatre détenaient environ 80 % des crédits du système bancaire.  D’après des estimations de la BCEAO, au Bénin, l’accès aux services bancaires est restreint. Plus précisément, le rapport entre les comptes de dépôt dans les banques commerciales et la population active est d’environ 5 %. La profondeur du système bancaire béninois est légèrement inférieure à la moyenne des autres pays de l’UEMOA (le crédit privé et les dépôts intérieurs représentant respectivement 21 % et 30 % du PIB). Par ailleurs, si le secteur de la microfinance joue un rôle de plus en plus important dans la réduction de la pauvreté au Bénin, il manque de ressources pour venir en aide aux petites et moyennes entreprises, notamment sous la forme de prêts à long terme. De plus, les asymétries d’information et la mauvaise gestion des risques de crédit augmentent les coûts d’emprunt. Pour remédier à ce problème, une initiative de centralisation du crédit a été lancée par les banques en 2013 pour échanger des informations sur les emprunteurs, mais ce système ne fonctionne pas bien. Des bureaux de crédit privés ont également été autorisés en 2017, mais le système n’est pas encore opérationnel. Enfin, la supervision et la réglementation bancaires présentent des faiblesses qui nuisent à la gestion des risques des intermédiaires financiers et à leurs performances. Dans certains cas, les longs délais de résolution des litiges bancaires (dus à la corruption ou à l’inefficacité bureaucratique, par exemple) permettent aux intermédiaires financiers peu performants de rester actifs pendant de longues périodes, ce qui entraîne un gaspillage de ressources en termes de coûts d’exploitation et nuit à l’offre de crédit.

Comprendre le problème, c’est déjà la moitié de la solution, dit bellement la Sagesse Populaire. Il y a urgence de libérer le potentiel du secteur privé béninois. Pour cela, il faut, toutes affaires cessantes, résorber les cinq obstacles sus indiqués. 

Par Sophonie Jed KOBOUDE

Ingénieur diplômé de l’école CentraleSupélec à Paris et économiste diplômé du Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris. Il a accompagné plusieurs startups dans la structuration de leur business en Afrique.  Business Analyst chez un leader mondial de l’énergie, il est passionné par les nouvelles technologies de l’information, l’économie, l’énergie, et l’Afrique.

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