Les deux infirmités de l’économie béninoise

(Economie béninoise) – Il y a quelques mois, le Cercle des Jeunes Économistes pour l’Afrique (CJEA) m’a proposé de faire une communication sur le thème “Quelle est la santé économique au Bénin ?”. Dans cette conférence, j’ai filé la métaphore de la santé jusqu’au bout en expliquant que l’économie béninoise souffre de deux maladies auto-immunes qui constituent deux infirmités majeures à sa croissance. Avant d’évoquer les deux infirmités, faisons un pas en arrière pour réviser quelques notions.

D’abord, parlons de la notion de croissance économique. Scénarisons une économie dans laquelle une seule entreprise opère. Le PIB (Produit Intérieur Brut) de cette économie se confondrait alors avec la production de cette entité unique. Comment une telle économie peut-elle croître ? Dit autrement, comment cette entreprise pourrait-elle accroître sa production ? Trois stratégies majeures s’offrent à elle.

Extension de la capacité de production :

L’entreprise peut investir dans l’agrandissement de ses installations, l’acquisition de nouvelles machines et le recrutement de main-d’œuvre supplémentaire pour augmenter sa capacité de production.

Amélioration de la productivité :

Investir dans la formation du personnel et optimiser les processus logistiques et d’information permettent d’accroître l’efficacité et le rendement des employés, menant à une production accrue avec les mêmes ressources.

Innovation technologique :

Allouer des fonds à la recherche et au développement de nouvelles technologies plus performantes permet d’améliorer la productivité et la qualité de la production.

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Ce que l’on remarque, c’est que les trois stratégies de croissance se résument à deux choses : Education et Investissement. 

Au commencement était l’éducation. Pour un pays qui aspire à améliorer les conditions de vie de sa population, tout part de l’éducation. Ray Dalio, l’un des investisseurs et entrepreneurs les plus prospères au monde, dans son livre Principles for Dealing with the Changing World Order: Why Nations Succeed and Fail, l’explique très bien avec le graphique suivant :

Source : Ray Dalio

L’éducation est au fondement de toute puissance. Vous pouvez voir sur le graphique ci-dessus comment l’augmentation de l’éducation entraîne une augmentation de l’innovation et de la technologie, ce qui conduit à une augmentation de la part du commerce mondial et de la puissance militaire, à une augmentation de la production économique, à la construction d’une place financière mondiale et, avec un certain décalage, à l’établissement de la monnaie de rang mondial. 

L’éducation est l’une des infirmités de l’économie béninoise.  Au Bénin, plus de 5 personnes sur 10 (52,8%) n’ont aucun niveau d’instruction. En effet, 59,4% des femmes n’ont aucun niveau d’instruction contre 46,3% des hommes. Seulement 3 personnes sur 10 qui ont le niveau primaire (27,3%), 2 sur 10 qui ont fait le cours secondaire (17%) et moins d’une personne sur dix a fréquenté une université (2,8%). Le taux d’alphabétisation se rapportant à la population âgée de 15 ans ou plus s’établit à 41,7% au niveau national dont 2,5% alphabétisés en langue nationale et 40,7% en français. L’électro-encéphalogramme du patient ‘Education nationale’ est pratiquement plat, mais qui va le dire ? Depuis 2010, les dépenses publiques en éducation par habitant varient entre 28€ et 36€. Les dépenses publiques totales dans le secteur de l’éducation représentaient 4,4% du PIB en 2011 ; en 2019, elles ne représentaient que 2,9% du PIB. On a un redoublement des élèves qui repart à la hausse depuis 2010. La fameuse phrase du Maréchal de Mac Mahon me vient à l’esprit : “Hier, nous étions au bord du gouffre, aujourd’hui nous avons fait un grand pas en avant”. Le système éducatif béninois a besoin d’un électrochoc et ce n’est pas trop tôt pour le déclencher.

L’autre infirmité majeure de l’économie béninoise, c’est le sous-financement du secteur privé ; ce qui rend l’investissement privé atone. Il est une réalité indiscutable au Bénin : le secteur privé est sous- financé. En effet, le crédit intérieur fourni au secteur privé représente 17% du PIB du Bénin en 2019. A titre de comparaison, ce chiffre est de 87% au Maroc, 140% en Afrique du Sud, 86% en Tunisie, 72% en Namibie. Le constat est établi : les entrepreneurs au Bénin ne sont pas suffisamment financés. Alors, c’est grave Docteur ? Oui. Revenons au rôle de l’entrepreneur dans une économie. 

Le genre humain, dans l’exercice de son conatus, oscille entre besoins et satisfactions. S’il n’y a pas besoin d’effort pour répondre au besoin, la satisfaction est, en quelque sorte, gratuite. Mais, bien souvent, la satisfaction est onéreuse en ce sens qu’elle requiert de l’effort, de la peine pour avoir cours. Par exemple, tout homme a besoin de manger et, pour cela, doit employer la force de ses bras, soit directement en cultivant des aliments, soit indirectement sous forme d’unités monétaires : la satisfaction est, dans ce cas, onéreuse. Et c’est là qu’intervient un personnage curieux qu’on appelle entrepreneur. Ce dernier passe son temps à se demander comment rendre moins onéreuses les satisfactions des hommes. Dit autrement, l’entrepreneur cherche à rendre service à ses semblables en appliquant ses facultés aux choses. C’est dans ce sens qu’il faut entendre le “Nous voulons rendre le monde meilleur” des grands entrepreneurs de la planète. Il s’ensuit que, par sa fonction, l’entrepreneur est la source de la croissance économique. Pour bien remplir son rôle, l’entrepreneur a besoin (mais pas que !) la plupart du temps de capital (des machines, de l’argent, etc.) pour développer son idée. Et, c’est là que l’économie béninoise n’est pas performante. 

La résolution des deux faiblesses sus-citées de l’économie doit être l’affaire de tous. Enfants du Bénin, debout !

Par Sophonie Jed KOBOUDE

Ingénieur diplômé de l’école CentraleSupélec à Paris et économiste diplômé du Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris. Il a accompagné plusieurs startups dans la structuration de leur business en Afrique.  Business Analyst chez un leader mondial de l’énergie, il est passionné par les nouvelles technologies de l’information, l’économie, l’énergie, et l’Afrique.

1 COMMENTAIRE

  1. Un bel article. J’ai beaucoup aimé
    Toutefois, l’auteur a choisi de ne pas dépasser l’analyse économique pour aller questionner les causes probables de ces 2 maux principaux qui minent l’économie béninoise, à savoir “le défaut” d’éducation “qualitative et quantitative” et la faiblesse de l’investissement privé.

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