(Volaille congelée) – « À partir du 31 décembre 2024, « plus aucun œuf ni poulet congelé ne pourront être importés au Bénin ». Ainsi s’exprimait en avril 2023, le ministre béninois de l’Élevage, Gaston DOSSOUHOUI. Dès janvier 2025, le Bénin, avec une faible production locale prend une option sérieuse à travers l’interdiction de l’importation de poulet congelé pour remplumer son aviculture locale.
En 2021 au Bénin, exactement 16 005 tonnes de viande de poulets ont été produites, tandis que la quantité importée s’élevait à 65 653,04 tonnes, soit plus de quatre fois la production locale. En valeur, les données de la FAO indiquent que38, 769 milliards FCFA de viande de poulet réfrigérée ont été importés en 2021. De nos jours, le Bénin importe plus de 100 000 tonnes de poulet congelé chaque année à destination du marché local et pour la réexportation. D’après le ministre de l’Agriculture, Gaston DOSSOUHOUI, la production locale de viande de volaille est actuellement estimée à 20 000 tonnes par an, soit bien en deçà des 1,5 millions de tonnes nécessaires pour satisfaire la consommation nationale annuelle. En comparaison, les importations représentaient jusqu’ici près de 80 % de l’offre sur le marché, avec un volume d’environ 60 000 tonnes de poulets congelés importés chaque année. Ces importations, souvent vendues à bas prix, ont engendré un manque-à-gagner estimé à plus de 50 milliards de FCFA par an pour l’économie béninoise.
En effet, le kilogramme de poulet congelé est vendu autour de 1.200 Francs CFA, alors que le coût de production domestique revient à près de 2 000 Francs le kilo. Ce qui favorise une concurrence déloyale.
Pendant longtemps, la production avicole a souffert de politiques peu efficaces qui ont contribué au désintérêt des acteurs. Selon les propos du ministre Gaston DOSSOUHOUI : « cette mesure est un levier stratégique. Si elle est bien accompagnée, elle pourrait permettre une augmentation de la production locale de 30 % dès 2025 et une réduction significative de notre dépendance alimentaire d’ici à 2030. »
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Pour les acteurs de la filière avicole, cette mesure représente une opportunité sans précédent. Hospice AKPOVO, éleveur de poulets de chair depuis 2018, voit dans cette interdiction un signal positif. « Je faisais les poulets chair, mais pas en quantité. Je faisais 2 000, 3 000, mais vu l’interdiction des poulets congelés en cours, j’ai aménagé déjà deux bâtiments de 5 000 poulets » explique-t-il. Grâce à ses économies et aux microcrédits, il prépare activement son exploitation pour répondre à une demande qui s’annonce croissante. À l’échelle nationale, l’Interprofession avicole du Bénin partage cet optimisme. « Nous pouvons fournir. Dès 2025, les acteurs sont à même de produire déjà pour la consommation locale », assure Léon ANAGO, Président de l’Interprofession. Il ajoute « notre souhait au niveau de l’interprofession, c’est que les importateurs deviennent des experts en distribution, parce que ce sont des gens qui ont la maîtrise. Ils ont des chambres froides, ils ont la maîtrise de la conservation de ces produits. Ce sont eux qui l’importaient, ce sont eux qui distribuaient. Ça, c’est un travail que l’interprofession va se donner. Nous allons nous rapprocher d’eux pour que nous ayons des contrats. Au lieu d’être importateurs, qu’ils se reconvertissent dans la distribution. »
Comme premiers impacts de la mesure, les experts prévoient une tension sur les prix dans les premiers mois de sa mise en œuvre. En outre une pénurie de viande de poulet pourrait s’installer du fait qu’au Bénin, il n’y a pas de grands groupes de production de volaille ou de poussins, ni de l’engraissement ou de l’abattage. Toutefois , les acteurs de la filière espèrent « atteindre un équilibre rapide si les investissements nécessaires sont réalisés dès maintenant ». Une cartographie précise des exploitations existantes a été réalisée, identifiant des fermes capables d’accueillir entre 5 000 et 10 000 poulets, avec un objectif clair de modernisation.
Des défis à relever
Derrière cette ambition, des défis majeurs subsistent. L’alimentation animale, cruciale à la production avicole, pourrait poser problème en cas de flambée de la demande. La mécanisation des exploitations, l’accès au financement pour les petits producteurs et la disponibilité d’abattoirs modernes restent autant d’obstacles à franchir.
Le succès de cette mesure repose désormais sur une collaboration étroite entre les éleveurs, les distributeurs et les autorités publiques. Seule une coordination efficace permettra d’assurer une transition réussie vers une filière avicole béninoise robuste, compétitive et autosuffisante.
Pour atteindre ces objectifs, plusieurs mesures prioritaires ont été identifiées par les acteurs de la filière avicole. Il s’agit notamment :
– Investissements massifs dans la filière : Relance des exploitations avicoles abandonnées et construction de nouvelles infrastructures.
– Subventions ciblées : Réduction des coûts des poussins d’un jour et des vaccins grâce à une production locale.
– Promotion des circuits courts : Sensibilisation des consommateurs aux bienfaits du poulet local et encouragement à acheter auprès des producteurs locaux.
– Renforcement des capacités : Formation des aviculteurs pour adopter des techniques modernes et durables.
– Lutte contre les importations illégales : Renforcement des contrôles aux frontières pour éviter un marché noir qui pourrait nuire à la relance de la production nationale.
« Cette interdiction va au-delà de l’économie ; elle est aussi sanitaire et stratégique » avait insisté Gaston DOSSOUHOUI. Il avait ajouté : « la réussite dépend de la collaboration entre les producteurs, le gouvernement et les consommateurs. Ensemble, nous pouvons transformer ce défi en opportunité. »
Manfoya HOUNGUE















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