Raffinerie d’or : Le Mali lance un projet avec plusieurs questions en suspens

(Raffinerie d’or)- Ce lundi 16 juin 2025, le Président de la transition du Mali Assimi GOÏTA a posé à Sénou, non loin de l’aéroport international de Bamako, la première pierre de la construction d’une raffinerie nationale. Une action qui s’inscrit dans l’ambition du pays qui est « l’or du Mali doit briller pour les Maliens » conformément au code minier adopté en 2023, qui impose un raffinage local et renforce la participation de l’État dans les projets miniers. Le hic, le projet laisse planer plusieurs interrogations…

Le projet est ambitieux. SOROMA-SA est  la deuxième raffinerie d’or du pays et la première à capitaux publics. Elle vient après Marena Gold, une raffinerie à capitaux marocains et maliens inaugurée en 2015 à Bamako. Cette installation d’une capacité de 200 tonnes par an est non seulement destinée à traiter la totalité de la production nationale d’or (80 tonnes par an), mais aussi la production de certains pays de la sous-région. La société est détenue à 62 % par l’État malien, contre 38 % pour son partenaire russe Yadran, Le projet vient pour transformer en profondeur de l’or, première ressource d’exportation du Mali. L’usine dont la construction s’achèvera au bout de 02 ans, occupera une superficie 05 hectares. Elle produira d’or raffiné à 99,5 % de pureté, conforme aux standards de la London Bullion Market Association (LBMA). Ainsi, une fois opérationnelle, ses produits accèderont directement aux marchés internationaux limitant les exportations d’or brut pour accroître les recettes fiscales du pays basées sur l’or et estimées à près de 950 millions de dollars par an.

Au Mali, contrats miniers ont été renégociés, et les tensions avec certaines multinationales comme Barrick Gold se sont accentuées. Par ce projet l’Etat veut mieux contrôler la production d’or, renforcer la traçabilité y compris celle de l’or artisanal.

Des interrogations

Pour des considérations « géopolitiques et géostratégiques », le coût du projet n’est pas dévoilé. Rien n’indique si le budget de la construction de l’usine sera supporté par les deux actionnaires, à hauteur de leurs parts respectives.  Toutefois le Conseil des ministres du 28 mai dernier précise simplement que Yadran, dont les activités sont concentrées sur le pétrole, apportera « expertise technique, accompagnement en matière de formation et engagement à long terme pour la maintenance de l’unité industrielle ».

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A l’instar du Ghana qui en possède déjà, les autres pays producteurs d’or de la sous-région tels la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Niger portent chacun leurs projets de raffinerie. Ainsi l’approvisionnement en brut d’une usine d’une telle capacité reste une équation à plusieurs inconnus. En fait, il se constate que la production nationale est moins de la moitié de la capacité de la raffinerie en construction.

Pour le moment, Bamako n’a pas encore exprimé son intention de solliciter une accréditation London Bullion Market Association (LBMA) qui obéit dans tous les cas à une procédure longue et rigoureuse, pour son projet. Or cette norme est devenue un véritable passeport commercial des lingots d’or et un sésame pour l’accès au marché de Londres, premier centre mondial de négoce de métaux précieux. Entre autres conditions pour obtenir cette certification, l’usine qui y prétend doit exister depuis cinq ans, justifier d’au moins trois ans de production commerciale continue et raffiner dix tonnes d’or par an, tout en se soumettant à des audits annuels de traçabilité. Sans l’accréditation LBMA, les lingots que produit une raffinerie restent inéligibles aux coffres londoniens, aux banques centrales ou aux fonds négociés en bourse adossés à l’or, et leurs prix de vente subissent une décote.

Selon un Rapport de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives publié en 2023, la production d’or déclarée au Mali provient essentiellement des mines industrielles, détenues par des entreprises (B2Gold, Resolute, Robex, Barrick) qui exportent 85 % de leur production vers l’Afrique du Sud, la Suisse et l’Australie. Ces derniers hébergent des raffineries aux standards de la London Bullion Market Association (LBMA),

La Good Delivery List associée à cette norme compte actuellement 66 raffineries, lesquelles ont raffiné 5038 t d’or en 2020-2021, soit environ 63 % de tout l’or nouvellement extrait sur cette période.

Younouss SIDIBE

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