Que gagnerait l’Afrique à faire grandir ses PME ?

(PME en Afrique) – Les Petites et Moyennes Entreprises (PME) sont l’armature des économies de la plupart des pays africains. Elles constituent selon le Centre de Commerce International (CCI) « 90% des entreprises et emploient environ 60% des travailleurs ». Elles ne sont pourtant pas épargnées de difficultés qui freinent leur développement.  Or elles peuvent davantage porter l’économie du continent à coup d’innovation.

Important dans l’écosystème économique du continent, les PME font face à des difficultés capables de les asphyxier. Parmi les difficultés qu’elles rencontrent, il y a :

–              en premier, la disponibilité des financements.

–              deuxièmement, l’environnement des affaires peu adéquat pour leur faciliter une belle éclosion et la rentabilité de leurs investissements.

–              enfin, elles ont du mal à avoir une main d’œuvre suffisante et adéquate du fait du décalage entre le marché de l’emploi et les formations souvent trop théoriques parfois même inexistantes.

Une donnée importante à ne pas négliger en rapport avec les rôles des PME est l’évolution galopante de la démographie africaine. Une projection de la Banque Mondiale montre qu’en 2030, la population active africaine sera de plus d’1 milliard de personnes. Elle était de 200 millions en 2018 soit une progression de 800 millions. C’est 4 fois la population actuelle du Nigéria, le plus grand pays d’Afrique en terme d’habitants, en moins de 15 ans.  Pour satisfaire les demandes d’emplois, l’ensemble des pays du continent devrait être en mesure de créer 12 millions d’emplois par an et trouver un mécanisme pour conserver ceux déjà existants. Et pour cela, il faut nécessairement trouver, dès à présent, des solutions pour juguler les goulots d’étranglement des Petites et Moyennes Entreprises. Ceci, parce que la fonction publique ne peut absorber toute cette main d’œuvre.

Les besoins de financement des entreprises

Les économistes s’accordent sur l’existence de mécanismes étatiques voire internationaux pour répondre aux demandes en financement des porteurs de projets. Cependant, ils reconnaissent aussi l’amateurisme et l’asymétrie d’information des entrepreneurs locaux qui ne respectent pas les normes bancaires pour pouvoir être véritablement accompagner. Docteur Nabilath Bouraïma fait une analyse profonde de la situation. Elle va au-delà de l’existence des structures d’accompagnement pour aider les entreprises locales à trouver les fonds pour leur développement. Bouraima attribue d’une part ces difficultés à la taille des PME puis aux critères d’attribution des fonds proposés par les établissements financiers : « Les conditionnalités qui sous-tendent l’accès aux ressources financières constituent un facteur qui pénalise les PME. Même si les PME ont l’information des structures d’accompagnement et qu’elles s’y référent, le fait de ne pas satisfaire aux conditions pour accéder au crédit peut être un frein. Cela peut-être lié aussi la taille des entreprises qui peut être jugée trop petite et le manque de garantie » précise-t-elle.

La preuve de cette analyse est fournie par le technicien burkinabè en élevage, Konda Abdoul Fatah :  « l’entreprise est là d’abord, on n’a pas encore fait les papiers ce qui nous empêche d’avoir accès à des financements étatiques »

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Confirmant le diagnostic de Bouraima, le financier Félicien Lokossou  détecte en plus des éléments liés au tissu économique des pays en voie de développement qui freinent l’accès au financement des Petites et Moyennes entreprises : « Les difficultés des PME à avoir des ressources financières peuvent être situées à deux niveaux. La faiblesse de nos économies ne permet pas de collecter de l’épargne. Je prends le cas des microfinances, elles ne disposent pas d’une cagnotte suffisante pour porter les PME. ». Il souligne également que le caractère informel des PME constitue un handicap : « …on sait que notre économie est majoritairement informelle. Puisqu’elles sont pour la plupart informelles, elles ne tiennent donc pas une réelle comptabilité. Ainsi, il leur est difficile d’avoir accès au financement parce que les banques ont besoin d’une comptabilité fluide avant de donner accès à leur ressource. C’est cela qui garantit aux banques qu’elles auront un retour sur investissement. »

Accroître le financement des PME et mieux former les entrepreneurs

Elie Hazoumè est un entrepreneur togolais. Il reconnaît qu’il existe des structures d’accompagnement des entreprises dans son pays. « Dans mon pays le Togo, il existe des structures de Microfinance qui aident les entrepreneurs mais l’information ne circule pas ». Il faut donc accroître la communication des établissements financiers sur la disponibilité des ressources à accompagner les entrepreneurs locaux. Hazoumè relève également un déphasage entre les compétences disponibles et les besoins du marché. Les curicula enseignés dans les écoles et facultés sont inadaptés à l’évolution du marché de l’emploi. Il faut donc revoir la formation et créer des écoles capables de cultiver très tôt le goût de l’entrepreneuriat chez les jeunes personnes. Il faut également former les entrepreneurs et les amener à se formaliser.

Pour avoir des PME performantes et pour contribuer également à leur financement, les États doivent travailler à éliminer les risques liés aux prêts bancaires que ce soit au niveau des institutions financières que des bénéficiaires. Ils doivent aussi mettre en place un système qui protège l’entrepreneur d’être surendetté. Et aussi, mettre à disposition des fonds de garantie et de promotion de l’entrepreneuriat. Le financier Lokossou donne l’exemple de l’International Finance Corporation (IFC) qui a permis de soutenir l’économie togolaise au lendemain de la pandémie du COVID 19 : « après la période de COVID, pour relancer l’économie au Togo, ils ont mis en place un mécanisme qui permet à certaines structures de microfinance de faire des prêts sans risque (le risque zéro n’existe pas) aux PME. IFC prend en charge une bonne partie du prêt allant parfois jusqu’à 60% du montant mis à la disposition de l’emprunteur, mais ce dernier l’ignore. Donc au cas où, il se retrouvait dans un défaut de solvabilité, l’institution continuera à lui demander des comptes, mais elle dispose de fonds pour continuer à déployer ses activités parce qu’elle n’a pas utilisé uniquement ses ressources pour faire le prêt. »

Quelle politique pour quel environnement des affaires ?

« La situation est en train de se renverser en Afrique puisqu’on a désormais une règlementation en faveur de l’innovation et de l’entrepreneuriat. Les Petites et Moyennes Entreprises sont encouragées désormais à se développer. » soutient le juriste gabonais Dick Prince Moyen. L’entrepreneur Hazoumè met des bémols. Pour lui, si les textes existent pour encadrer, faciliter et répondre aux besoins des entrepreneurs, ils ne sont pas toujours bien appliqués. « Pour la production locale, c’est un idéal mais nos États ne favorisent pas l’éclosion des entreprises locales. Les frais d’imposition sont très élevés pour les nationaux qui essaient de se lancer dans la production. On facilite la tâche aux capitaux étrangers, des concurrents » constate Hazoumè qui ne valide pas la position de Dick Prince Moyen qui reconnaît que le cadre légal existant doit évoluer pour répondre aux lois du marché en constance évolution.

Les situations de crises, le terrorisme, le grand banditisme constituent aussi des facteurs limitants la bonne marche des affaires. Nabilath Bouraima estime que « ⁠l’insécurité et l’instabilité politique aussi peuvent jouer (dans l’évolution du climat des affaires). Pour les PME qui se retrouvent dans des pays en proie aux conflits et à l’instabilité l’accès au crédit est plus difficile. »

Quels boosts  pour les PME ?

La formation est le premier levier sur lequel il faut agir pour permettre aux PME d’être performantes et moins dépendantes. Les idées pour entreprendre ne manquent pas et l’Afrique représente un bon débouché pour le futur avec une population estimée à plus de 2,5 milliards de personnes, d’ici 2050. En attendant de pouvoir exploiter toute sa potentialité, il faut anticiper sur les problèmes liés aux ressources humaines compétentes comme le souligne Hazoumè « la main d’œuvre n’est pas qualifiée » et il faut des « formations multiples avant de pouvoir en tirer le meilleur »

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Ensuite, résoudre définitivement le problème de l’accès au financement en appliquant la recette que donne l’économiste Nabilath Bouraima: « Une alternative serait par exemple de développer des systèmes de garantie pour permettre aux PME de pouvoir facilement contracter des prêts auprès des banques. (Diposer) de fonds financés par les État et dans lesquels les banques peuvent aussi être actionnaires. Le rôle de ces fonds sera de se porter garant auprès des banques pour des entreprises qui souhaitent accéder au crédit et qui n’ont pas ce qu’il faut comme garantie. C’est comme une assurance à la banque de récupérer ses fonds au cas où les entreprises ne remboursaient pas ».

Audace AHOUANGNIMON

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