Eradication de la vente illicite de l’essence : Un casse- tête chinois pour le Bénin

(L’essence kpayo au Bénin) –Un nouvel incident tragique secoue le Bénin depuis le samedi 23 septembre dernier. La localité de Sèmè-Kraké, commune de Sèmé-Podji, a été envahie par les flammes. Cet incident, qui a coûté la vie à une quarantaine de personnes et causé d’énormes dégâts matériels, est la dernière manifestation d’un phénomène qui continue de hanter le pays : la vente illégale d’essence dénommée «Kpayo». Malgré les initiatives annoncées par le gouvernement de Patrice TALON pour éradiquer ce fléau, la lutte contre la vente d’essence Kpayo demeure un défi de taille.

De KEREKOU à YAYI, en passant par SOGLO, cette activité a pratiquement défié tous les pouvoirs successifs. Les différentes mesures de lutte ont échoué. L’essence «Kpayo» (signifie littéralement « non original » en goun, une langue locale) en provenance du Nigéria est quasiment la première économie du Bénin. Il n’y a de coin de rue au Bénin où on en rencontre du fait des plus de 600 kilomètres de frontières poreuses entre les deux pays frères. La faible couverture du marché par les sociétés agréées dans la distribution des produits pétroliers et le sous-emploi ont donné du pouvoir au «kpayo » au Bénin. Le phénomène du «kpayo» a connu ses débuts dans les années 1980, conséquence de la crise économique qui a secoué le Bénin avec comme corollaire le gel des emplois dans l’administration publique. La quantité d’essence de contrebande qui entre au Bénin par moto est infime comparée à celle qui s’y déverse par des camions citernes, et par de grandes embarcations. Déjà en 2007 les autorités béninoises considéraient que le Nigeria fournissait 551 millions de litres de cette essence de contrebande – un chiffre à mettre en regard avec les 81 millions de litres vendus dans les stations-service à cette date.

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En attendant l’évolution de la timide politique d’installation de nouvelles stations-services dans les grandes villes du Bénin et leur approvisionnement à plein temps, l’Etat contrairement au code douanier percevrait « une taxe clandestine » chez les trafiquants afin de renflouer les caisses publiques.  Les nombreuses initiatives des présidents successifs ne sont pas arrivées à bout de ce trafic devenu un phénomène auquel on s’accommoderait. Ce commerce illicite au Bénin étend ses tentacules au Togo voisin.

Une lutte non efficace

Avec le régime actuel, la lutte contre le phénomène a pris une autre tournure parce que sévèrement réprimé. Les acteurs sont contraints d’exercer en cachette. Dans les grandes villes telles que Cotonou et Abomey-Calavi, les vendeurs sont devenus persona non grata aux abords des grands axes routiers. Pourtant, même en catimini, l’activité se développe de plus belle. En réalité, le chômage des jeunes et l’inégale répartition des stations-service sur le territoire national constituent un géant mur que doivent faire tomber les politiques publiques de développement.

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Le nouveau Président nigérian, Bola TINUBU, avec sa mesure de suppression de la subvention sur la vente du carburant à la pompe a fait grimper le prix du kpayo au Bénin. Certains sont allés, d’ailleurs, trop vite en besogne en prédisant la mort du secteur. Mais il fallait éviter de vendre la peau de l’ours sans l’avoir tué.

La reconversion, l’autre solution

Aujourd’hui, pour endiguer le phénomène, le gouvernement Talon mise sur un programme de réinsertion et de reconversion qui permet de former les vendeurs et de les transformer en acteur économique d’un métier décent. À en croire le ministre d’État, Romuald WADAGNI, depuis le début de cette année 2023, plus de 5.000 personnes ont été reconverties au métier de textile à Glo-Djigbé.  Aussi, le gouvernement a lancé un programme d’installation de mini-stations. Une dizaine de milliers de ces mini-stations ont fait l’objet de commandes et sont en phase d’installation dans des quartiers de Cotonou et environs. D’ici 2024, elles seront installées dans tout le Bénin afin de permettre à toutes ces personnes qui sont dans ce secteur d’activité, de le faire dans des conditions de sécurité totale, a assuré le ministre d’État Romuald WADAGNI. Mais ces mesures sont-elles à la hauteur du mur à faire tomber pour arriver à bout du phénomène ?

Dèlofon T. HOUETOHOSSOU

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